Faut-il intégrer l’intelligence artificielle dans votre gestion des compétences ?

Tempo & Co décrypte 3 idées reçues

Dans un monde du travail en constante mutation où une pénurie des talents se fait ressentir, les organisations doivent se prémunir de l’obsolescence des compétences et redoubler d’efforts pour rester innovantes, performantes et attractives. Bien que la compétence soit une référence pour toute politique de mobilité interne, de développement, de formation et de marque employeur, force est de constater que la gestion des compétences au sein de l’entreprise reste un sujet épineux dans un grand nombre d’entre elles. Notre expérience de terrain nous a menés au diagnostic suivant : les ressources humaines et le management sont trop souvent pris par leurs préoccupations du quotidien pour pouvoir prendre de la hauteur et maintenir à jour leur référentiel de compétences interne. Résultat, leur vision des compétences est souvent morcelée et parfois obsolète, alors que justement la compétence est le fil rouge de tout processus de gestion des talents et du développement des collaborateurs. Pour répondre à cela, de nouveaux services s’appuyant sur l’intelligence artificielle se développent afin de simplifier la gestion des compétences et soutenir les RH sur ce volet essentiel. Mais de nombreuses craintes quant à la lourdeur de cette gestion subsistent, et les critiques d’une solution basée sur l’IA sont multiples. Qu’en est-il ? Faut-il intégrer l’intelligence artificielle dans votre gestion des compétences ? Nous passons en revue 3 idées reçues sur le sujet pour y voir plus clair.

Trois idées reçues sur l’implémentation d’une IA dans votre gestion des compétences

1/ / L’IA déshumanise la fonction RH

En proie à de nombreuses peurs et fantasmes de tous bords, il est bon de rappeler que l’IA est un outil disposant d’une capacité d’adaptation et d’automatisation au service de la fonction RH. Halte aux techno-réticents comme aux techno-évangélistes, une intelligence artificielle ne tourne ni seule, ni au-delà du cadre qui lui est donné. Suivant les besoins du client et sa stratégie organisationnelle, l’éditeur d’une IA construit des règles qui déterminent son périmètre d’action. En plus de ces règles, l’IA nécessite un suivi régulier et des données fiables et vérifiées récoltées dans l’écosystème SI de l’entreprise (SIRH, bourse à l’emploi, etc.). En absorbant les tâches à faible valeur ajoutée des RH, l’IA dont nous prônons l’utilité est une IA éthique qui aide à valoriser les compétences des employés et de donner une meilleure visibilité des trajectoires de développement possibles des collaborateurs. Il est donc clé de placer le curseur de ce service au bon endroit et de choisir le bon usage de l’IA dans sa politique de gestion des compétences dès le cadrage et d’établir un cahier des charges inclusif, participatif et exhaustif qui contourne les biais et évite la reproduction de schémas pénalisants ou déshumanisants, quels qu’ils soient. Cependant, l’erreur est humaine et peut vite arriver, comme nous le montre le cas de l’IA discriminante développée par Amazon et aussitôt suspendue. Pour rester maître de l’outil, il est important de privilégier une démarche par petits pas sur un échantillon ciblé de l’organisation avant de, peut-être, généraliser son implémentation. Toujours de manière itérative afin d’ajuster en continu et en conscience le champ d’action de cet assistant 2.0. L’IA reste un outil parmi d’autres au service de la stratégie de l’entreprise, et son utilisation doit être réfléchie en fonction des priorités de l’entreprise (soutien à la mobilité interne, upskilling ou re-skilling de certaines populations, etc.).

2/ La gestion des compétences est trop coûteuse en temps et en argent

La mise en place d’un outil de gestion des compétences implique de travailler sur le référentiel de compétences de l’entreprise, de l’harmoniser, de l’enrichir, voire de le formaliser pour la première fois. Il s’agit là d’un premier chantier d’envergure qui suscite lui-même de nombreuses réticences bien que le point de départ d’une telle démarche soit empreint de bon sens. La gestion des compétences implique une clarification de vos objectifs stratégiques, de vos besoins opérationnels et des ressources dont vous disposez. Sur ce volet chronophage, l’IA a la capacité de soulager les RH dans la définition et la mise à jour régulière du référentiel de compétences et de leur faire gagner du temps. Par ailleurs, en étant au plus proche du terrain et en faisant participer activement les collaborateurs, l’IA s’avère être une alliée des RH au long terme pour la maintenance du référentiel et pour faire émerger des tendances de fond sur les compétences en déclin et en émergence, ainsi que les nouveaux parcours de carrière qui se dessinent dans l’entreprise. Alors que le Forum économique mondial établit à 54 % le nombre des postes en entreprises qui nécessiteront une démarche de reskilling et d’upskilling dans les trois prochaines années, tout laisse à penser que les collaborateurs devront monter en compétences plus rapidement pour rester performants sur un marché en mouvement. Les RH doivent s’outiller face à ces constats pour identifier les signaux faibles des transformations organisationnelles et agir en fonction. De la même manière, la fonction RH doit monter en compétence pour garantir la qualité des données du SIRH sur lesquelles l’IA s’appuie. Coûteuse en temps et en argent de prime abord, l’outil de gestion des compétences est en fait un investissement de long terme, en capacité de soutenir la fonction RH, de renforcer le dynamisme et d’accroître la performance d’une entreprise. Autrement dit, investir aujourd’hui dans un outil qui intègre une intelligence artificielle pourrait permettre de lisser tous les coûts futurs liés à une mauvaise anticipation de l’évolution permanente des emplois et des compétences.

3/ Les employés ne sont pas prêts à intégrer l’IA dans leur gestion de carrière

Contrairement à cette idée reçue, près de 65% des français sont prêts à effectuer des changements sur la base des recommandations d’une intelligence artificielle et 73 % d’entre eux estiment qu’une IA est plus à même de les aider dans leur carrière qu’un être humain, en raison de l’impartialité de ses recommandations, selon une étude paru en octobre 2021. En quête de sens, de valorisation et de conseils, les salariés formulent de nouvelles attentes quant à leur évolution en entreprise. Sans surprise, ces derniers sont nombreux à manier les codes des plateformes sociales, telle que LinkedIn, à la perfection. Ces plateformes intègrent déjà des solutions d’intelligence artificielle basées sur les données partagées par ses utilisateurs. Par exemple, tous les collaborateurs qui ajoutent leurs compétences sur leurs profils et recommandent les compétences de leurs collègues nourrissent l’IA qui, par la suite, leur proposera des informations en lien avec leurs compétences et centres d’intérêt. De cette même manière, la digitalisation de la gestion des compétences permet aux collaborateurs de disposer d’outils décisionnels pour moduler leur plan de formation ou de mobilité. En proposant des options personnalisées, l’IA peut également suggérer de nouveaux parcours qui n’auraient peut-être jamais émergé. Comme le formalise Gaëlle MONTEILLER, Présidente et cofondatrice de TOD : « En révélant la véritable dimension du capital humain, ces outils digitaux (IA) visent à devenir de véritables boosters d’engagement, des catalyseurs d’innovation et de transformation des entreprises. ». Ne serait-ce donc pas plutôt aux RH de s’adapter à ces nouvelles pratiques, d’accepter de lâcher-prise face au modèle bottom-up florissant et de rattraper leur retard face à la maturité digitale d’une grande majorité des employés ? Dans un tel cas de figure, une fois la fonction RH convaincue et avec le soutien de sponsors internes, il reste indispensable de poursuivre la sensibilisation des salariés aux avantages de l’IA, sans jamais négliger l’inclusion des collaborateurs moins aguerris et leur formation à ces outils digitaux.

En somme, les enjeux derrière une gestion des compétences couplée à l’IA sont humains et stratégiques, non digitaux. Ces trois croyances autour de l’IA sont à déconstruire pour comprendre réellement les enjeux et atouts d’une telle technologie. Car si l’aversion au risque empêche bien souvent les entreprises de se renouveler, c’est en déconstruisant ces mythes que les organisations peuvent saisir le potentiel de l’IA, comme un outil au service de la marque employeur, de l’engagement collaborateur, du business et de la résilience organisationnelle. Sans jamais remplacer le contact humain et l’accompagnement collectif comme individuel des collaborateurs, l’utilisation d’une IA doit soutenir les services RH et les guider vers une meilleure (re)connaissance des compétences et des potentiels, dès le recrutement et tout au long du parcours professionnel de chaque collaborateur.

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